Rikers - Crève charogne.

Ils l'ont emmené, sans rien dire, et ils l'ont questionné, lui, comme si c''était normal. Loco est resté un instant comme ça, à ne rien oser faire ni dire, à regarder le vide de sa cellule. Le temps que l’information ne monte au cerveau peut-être, ou qu’il accepte ce qu’il a fait. Il l’a tué. C’était normal, Toni savait ce qu’il faisait, ce dans quoi il s’engageait.

Mais Loco sait parfaitement que Toni était pas maître de lui-même. Ca change rien, il l’a tué quand même.

Et le responsable, le vrai, celui qui est venu dans sa propre cellule pour en profiter, il est toujours vivant. Et c’est impardonnable, hein ?

Alors Loco se lève, il sait pas combien de temps il a passé à regarder le lit défait de Toni après qu’on l’ait interrogé. Il marche, et la douleur enfle autant que la colère dans son crâne. Il voit rouge ; il se focalise là-dessus plutôt que réaliser tout ce qu’il aurait dû faire.

Il pensait pas qu’aider Toni à pas prendre son traitement ça aurait été si grave. Après tout, pourquoi il l’aurait forcé ? De quel droit ? Pourquoi ça suffisait pas, qu’il en prenne soin comme il pouvait ?

Pourquoi il a fallu que ce soit Stab ?

Quand sa main attrape le col du blond, il n’y a plus rien qui compte.

“C’EST TA FAUTE CONNARD !”

Il tire sur le col, dans l’idée de le foutre à terre. Déjà, son poing se serre, se transforme en arme. Parce qu’il peut pas le retourner contre lui-même - ça servirait à quoi ? - il l’arme vers le Némésis, qui savait ; il savait ce que risquait Toni. Il savait qu’il fallait pas mélanger les gangs. Il l’a fait en toute connaissance de cause.

C’était pas ses mains à lui, non, ses mains de petit terrien privilégié par la vie. Mais c’était tout comme s’il avait tué Toni.

Alors Loco frappe, de toutes ses forces, sans se soucier d’être discret ou quoi. Il frappe et ça lui fait étrangement du bien.

“Toni.. T’avais pas à l’toucher !”

Toni lui appartenait pas. Mais ce qu’ils avaient… C’était précieux, discret. Pour lui, c’était presque aussi important que la complicité qu’il partage avec Miguel. C’est pas normal d’avoir balancé tout ça pour les beaux yeux d’un autre.

“J’vais t’buter !”

Il lui fonce à nouveau dessus. Tant pis s’il finit au trou, il n’a plus rien à perdre.

- C'EST TA FAUTE CONNARD !

Ça résonne dans les oreilles de Stab, autant que remous de la foule surprise autour d'eux, autant que le bruit strident qu'on fait ses oreilles lorsque son crâne avait heurté le sol. Il s'était ramolli et voilà dans quelle situation il se retrouvait. Habituellement, rien que le cri l'aurait fait réagir mais dans son état de loque nationale, il avait fallu attendre le premier, puis le deuxième impact pour que son système nerveux central daigne réagir.

Action, information, réaction.
Des dreads, de la force.
Loco.

Son genou s'envoie s'écraser dans le membre le plus proche de lui, une jambe, une hanche, le ventre peut-être. C'est dur, ça répond et ça lui permet d'accrocher une épaule d'une main ferme pour repousser le brun avec autant de violence qu'il l'avait assailli.
Il entend à peine les vociférations, déjà ses globes oculaires injectés de sang appellent à une réponse tout aussi violente. Son poing part, s'écrase contre le corps d'en face alors qu'il se débat comme un beau diable. C'est le nom de Toni, et seulement ce nom qui ouvre une faille. Le craquement de son nez qui se fait écraser, ça le réveille de nouveau.

- C'est TA PUTAIN DE FAUTE.

QUI envoie ses hommes dans une civière, QUI les laisse se droguer jusqu'à l'inconscience pour un rapprochement ? Qui le fait volontairement ? Le Némésis n'est pas con : dans les deux cas, que Toni est volontairement pris autant de cachets ou qu'il ait été accompagné, Loco est coupable. Coupable de n'avoir rien fait, coupable d'avoir soutenu, coupable de ne pas avoir protégé.
Prend soin de tes hommes merde.
Quel leader néglige autant sa meute ? Un rire jaune s'échappa de la gueule ensanglanté alors qu'il tentait un coup de tête en hauteur pour le mettre dans le même état. Fils de chien.

Ismaël est dans le tord. Certes. Il le sait. Mais ce qu'il sait aussi c'est qu'il est connu que la relation Loco - Toni n'avait rien de distante, au contraire.

- Eres una mierda, Loco, no eras digno de su confianza, no eras digno de su afecto !

Encore et toujours, ce sont les sentiments qui parlent et qui frappent. Rationnellement, il sait. Mais son corps brûle toujours de cette tension qu'il a ressenti lorsqu'on lui a fait part de l'incident.

- Hijo de puta, COMMENT T'OSES TE R'GARDER EN FACE, MEME.

Ça fait du bien, il ne sait pas exactement quoi. Que La tête de con réponde, plutôt que de se laisser taper comme la petite raclure qu’il est. Parce qu’il fait mal ; Loco a l’habitude d’échanger des coups, en prendre autant qu’en donner fait partie du rituel, du processus normal des choses. Mais là, particulièrement, ça lui fait du bien. Quand il sent ses lèvres éclater entre ses dents et le crâne de l’autre, que la douleur lui bousille la gueule, ça lui fait du bien.

Cette punition, souffrir à en crever, il en a besoin. Il doit payer, de pas avoir compris, prévenu, protégé.

Ce serait facile ; dire que Stab a raison. Il méritait pas Toni. Il méritait pas d’être heureux. Quand il regarde ses mains qui ne savent faire que détruire, il sait très bien que Rikers a déjà eu sa peau depuis longtemps. Qu’il reste plus rien…

Mais le concéder à l’ennemi ?

“Cállate !!”

Plutôt crever.

Plutôt crever qu’accepter d’avoir une part de responsabilité dans tout ça. Ils s’empoignent, Loco lui crache un mélange de sang et salive à la gueule, sourit, les dents rouges au milieu de son visage assombri par la violence.

“No sabes nada… ”, il s’éloigne pour respirer. “Fue uno de los míos… ”

Il s’était promis de le protéger. Mais Toni savait ce que c’était, de pas respecter les règles des Perros. Et surtout, surtout…

Stab aussi le savait.

Stab l’a fait exprès.

Pour l’isoler. Tout le monde cherche à l’isoler, comme un vieux chien malade qu’on va bientôt emmener se faire piquer.

Soudainement, tout est clair. Quand son corps bascule à nouveau vers celui de l’autre, du coupable tout désigné. Son esprit n’a jamais été aussi clair, aussi en proie à la paranoïa. C’est bien plus grand qu’un coup minable d’un instant.

“Tu savais, t’as fait exprès ! C’est River, hein ? C’est LUI QUI T’AS DEMANDÉ DE T’EN DÉBARRASSER ! J’VAIS LE CREVER !!”

Stab d’abord, River ensuite. En tout cas, ça serait ça, s’il entendait pas soudainement un maton leur brailler dessus de s’éloigner l’un de l’autre.

Fils de chien ...

Honnêtement, il ne voit pas, il n'entend pas non plus. En fait il ne cherche même pas à écouter, sa vision est tâchée de rouge et tout ce  qu'il sait c'est qu'il frappe, frappe, frappe encore et encore jusqu'à que l'autre le lâche puis revienne se perdre dans un échange sauvage.
Si ça a un avantage, c'est au moins de faire partir la tension qui animait son corps depuis des lustres. Parce que putain, il a rêvé de lui enfoncer ses phalanges dans sa sale gueule. Putain, il a espéré pouvoir le faire, qu'on lui donne le droit, une raison, une opportunité.

Mais non, River était bien trop calme.
River ne cherchait pas le conflit.

Qu'est-ce qu'il foutait dans ce gang où il n'avait aucune attache lui, hein ?

- Tu savais, t’as fait exprès ! C’est River, hein ? C’est LUI QUI T’AS DEMANDÉ DE T’EN DÉBARRASSER ! J’VAIS LE CREVER !!

A force de cogner, Stab ne percevait même plus la douleur.
Pas celle de sa gueule, pas celle de son torse, pas même celle de ses jointures écorchées à force de s'enfoncer dans la chair dur.
Rien que se concentrer sur des insultes lui demandait un effort sur humain. Il avait envie de l'écorcher vif.

- P'T'ÊTRE QUE SI TU L'AVAIS PAS LAISSE CREUVER COMME UN RAT AU FOND D'SA CELLULE J'AURAIS PAS EU BESOIN D'ALLER L'RECONFORTER !

Ça hurle dans tous les sens autour d'eux lorsqu'enfin les surveillants, alertés autant par la population environnante que par les hurlements et les insultes, se décident à intervenir. Ismaël se sent violemment tiré en arrière par les épaules et la gorge et pour le coup, même se débattre comme un beau diable pour continuer à lui détruire sa jolie petite gueule de chienne ne suffit pas. Les ordres, les rappels à l'ordre physique.
Stab ne se souvient que d'une chose lorsque la porte de la cellule d'isolement se referme devant son nez, c'est d'avoir cracher au visage de Loco comme il aurait dû le faire il y a longtemps.

Toni putain.