feat. Altaïr Phoenix
L’éclat rougeoyant des érables du Japon lui manquait. L’automne anglais se parait de brouillard lugubre et de pluie incessante. Il était donc sorti manger un bol de ramen pour se réconforter du temps maussade. La chaleur du bouillon et le jaune ensoleillé de l’oeuf tranché lui mirent un baume au coeur, mais dès la porte du restaurant franchie pour rentrer, le paysage lui redonna la cafar comme une gifle au visage. Contrarié par la température, le yakuza se demanda si l’hiver allait être aussi déprimant lorsqu’un flash orangé lui passa sous les yeux. Sur le côté d’un autobus, une publicité pour l’exposition temporaire du musée des Beaux-Arts fendait les teintes monochromes de la ville contre sa rétine.
Il suivit la piste, passa l’entrée du musée et acheta un billet pour le visiter dans la demi-heure qui suivit. Une dame lui indiqua la direction à prendre et le japonais l’emboîta, l’œil attiré par l’affiche promotionnelle flamboyante : Le feu à travers la peinture. Le parquet du vieux bâtiment craquait par endroit sous ses pas, semblable au crépitement d’un feu bien entamé. L’odeur du bois sur les murs imprégnait l’air des pièces dénuées de fenêtres pour la bonne conversation des peintures. L’extérieur n’existait plus et seuls les coups de pinceaux d’artistes à travers les siècles défilaient sous son regard scrutateur. Il s’approcha d’une première toile, Les Enfers de Nomé, une représentation d’origine française sur l’endroit réservé aux pêcheurs catholiques après la mort, ceux dont les fautes méritent un châtiment éternel.
Masao se posa à hauteur d’épaules similaires d’un homme à la peau d’un coloris à deux doigts près de rejoindre la noirceur de sa sombre chevelure. Il observait la peinture depuis un moment, et certain qu’il ne partageait aucune croyance en lien avec la religion dépeinte sur la toile, il se mit à la contempler à son tour. Essayer de voir ce qui captivait autant l’autre homme, se laissant lui-même absorber par l’immense décor surchargé. Impossible de tout détecter du premier regard, il fallait revenir sur ses pas et examiner à nouveau, pratiquement tendre le cou pour tout voir.
-Dans la lumière, même le chaos et l’anarchie brillent.Sans se tourner vers l’autre homme, les bras le long de son corps, il demanda, le dos droit.
-Qu’en pensez-vous ?Il n’aurait probablement pas posé la question à un croyant, il n’avait aucune envie d’une leçon sur la bible, mais d’une vision différente, d'un point de vue extérieur et intelligent. Un partage de pensées peut-être, ou au contraire l’échange de deux avis nuancés. Il aimait ce genre de conversation, la mère en initiait souvent entre ses frères et lui.