Contraste - Good bye my friend.

C’était arrivé comme ça. D’un seul coup. L’annonce l’avait prit à la gorge et son corps l’avait rejeté de toutes ses forces avant de finalement comprendre que c’était vrai. Qu’il n’était désormais plus là et ne le serait plus jamais. Que la seule trace de lui c’était cette chambre vide de toute âme. Il avalait difficilement sa salive en regardant l’intérieur de celle-ci, depuis le pas de la porte. Il faudrait la vider à un moment, il le savait. Mais rien que de voir cet endroit faisait picoter ses yeux et trembler sa lèvre inférieure sous le flot d’émotions qui le submergeait. Il se revoyait encore dans cette pièce, à parler, jouer de la musique, le taquiner… Y vivre, tout simplement.
Faut être fort. Tombe pas.


Tard dans la nuit, le rouquin rentrait d’une soirée encore trop arrosée et ouvrait la porte de la chambre qu’il avait l’habitude de franchir à des heures pas possibles, toujours avec un grand sourire. Le bleuté ne dormait pas encore, en même temps il avait du mal avec le sommeil, une vieille guerre que Morphée gagnait toujours. La couette se soulevait à peine leurs regards se croisaient dans un geste presque lasse.

- Aller, viens là. Et dors.

Un petit rire filait de ses lèvres et l’intrus se glissait dans ce lit accueillant, entre ces bras pour finalement fermer les yeux, enfouissant son visage contre son torse. Un soupire de bien être lui échappait.

- C’est mon endroit favoris…

- T’es vraiment pas possible… Idiot.

Dans cette voix au sommeil dérangé par l’inquiétude, on sentait une certaine tendresse. Les deux jeunes adultes finissaient par s’endormir, les jambes entremêlées, l’un contre l’autre.


Sa main passait sur son visage pour essayer de chasser ces larmes qui s’étaient remises à couler sur ses joues de manière incontrôlable à ce souvenir. Bordel… Sa mâchoire se serrait alors qu’un noeud se formait au creux de son estomac. Pourquoi il n’avait pas fait plus attention ? Été plus présent pour lui ? C’était jamais assez, une fois fini, on ne voyait toujours que ses erreurs. Un reniflement, des yeux qui se fermaient pour essayer de reprendre contenance. Finalement, une clope trouvait le trajet de ses lèvres, il l’allumait presque frénétiquement et faisait demi tour pour descendre les escaliers de la maison d’un pas pressé, fuyant. Normalement il ne faisait pas ça, fumer à l’intérieur, mais là, cet objet lui donnait le peu de barrière derrière laquelle il se cachait.
Si je fume, j’arrive un peu à arrêter de pleurer.
Plusieurs personnes avaient été prévenues de la date de l’enterrement. Il lui semblait même avoir vu un article dessus dans la presse. Un élève décédé en ce jour… Jace n’avait pas été plus loin dans sa lecture en voyant la photo de son meilleur ami souriant. Ces quelques mots l’avaient fait courir aux toilettes pour vomir l’intégralité du contenu de son estomac avant de s’écrouler en larmes au sol une fois seul. Un trou dans sa poitrine s’était formé, à ce moment là.

Rejoignant Alex, il enfilait sa veste par dessus son costume noir, hochant ensuite la tête pour faire comprendre qu’il était prêt avec un faible sourire et rejetait une dernière fois ses mèches en arrière. Il n’avait plus envie de parler, plus envie de jouer, plus envie de rien, pourtant, il gardait la face fasse au monde, parce que se laisser aller, ça n’aidait personne. Le blanc de ses yeux avait désormais emprunté leur teinte au rouge de ses mèches. Il tirait sur sa tueuse en grimpant dans le véhicule. Sa tête s’appuyait contre la vitre, engageant quelques brides de conversations. Ça avait été dur, d’appeler la famille, d’aider dans l’organisation des obsèques, de se renseigner sur toutes les démarches. Sa main passait sur son estomac et s’y cramponnait avec force, faisant pâlir les jointures de ses phalanges, seul réelle action que son corps trahissait.


- Tu sais Ethan, que tu vas finir par craquer !

Le petit pianiste soupirait un peu, tressant les mèches de son meilleur ami qui s’apprêtait encore à partir en vadrouille.

- Je t’ai dis que j’avais pas envie, Jace.

- Okay, okay. J’insiste pas… Ses yeux se levaient vers son meilleur amie. Il y aura un piano…

Sa phrase restait en suspend et dans le regard de l’autre, il voyait qu’il avait réussi à le convaincre. L’acceptation le faisait éclater de rire et lui embrasser la joue en lui promettant de lui faire passer la meilleure soirée de sa vie. C’était toujours ça « la meilleure soirée de ta vie. »


Les conversations autour, il ne les entendait plus vraiment. Les mots d’Alex étaient compliqués à intégrer, lui semblaient loin. Complètement vide, il sortait du véhicule et rallumait sa clope qui s’était éteinte le temps de sa rêverie, ça avait été long ? Aucune idée. L’immense église se dessinant devant eux lui donnait l’impression d’être encore plus petit. Plus insignifiant que jamais. C’était une ambiance bien trop lourde en son propre fort intérieur. Il essayant de ne pas s’écrouler pour rester à terre. Il se disait que ce n’était pas ce que voudrait Ethan, que lui, tout ce qu’il voulait, c’était son bonheur. Putain ce que ça fait mal… Tout ce qu’il voulait, c’était remonter le temps et courir chercher Ethan au lieu de le laisser seul à ce moment là. Il aurait peut-être pu changer les choses…
Sa nuque se tournait pour attraper son colocataire dans son champ de vision, un sourire aux lèvres qui tentait de ravaler les larmes et sanglots qui voulait sortir de sa gorge.

- On devrait entrer, je crois.

Son mégot s’écrasait contre un cendrier alors qu’il tirait légèrement sur le noeud de sa cravate. Cette fois-ci, le rouquin n’était plus rempli d’énergie et faisait tout son possible pour ne pas laisser des perles salées dévaler sur ses joues. C’était pour tout le monde cette journée. Pour un dernier adieu à cette personne si chère à son cœur.

Goodbye, my friend.

Il était parti. Hater ne l’avait connu qu’au travers des dires de Jace et c’était amplement suffisant pour justifier sa présence ici. Il n’était pas le plus grand admirateur des enterrements, cependant. Il ravala son souffle qui s’était échoué dans l’air. Habillé d’une chemise noire neuve et d’un pantalon noir, il n’avait pas dis un seul mot. Il était plutôt du genre à faire acte de présence plus qu’à blablater inutilement dans ce genre de moments, étrangement. Il aurait aimé pourtant être de ceux qui avaient les mots. Comme il ne l’était pas, il ne disait rien. Il se contentait pourtant de ne pas quitter Jace de trop loin, ni d’être trop prêt. Il était là, pour lui. Il avait d’ailleurs poser sa main sur son épaule, ferme et présente, pendant de longues secondes. Il n’était pas doué pour ces moments tristes qui lui rappelaient beaucoup trop qu’il aurait pu être là, lui aussi, sans Altair.

Il était resté quelques temps, mais ne souhaitait pas pour autant rajouter de la peine à ce moment. Il était pensif. En tout cas, cela le motivait clairement à nouveau à ne plus être confronté à ce genre de situation pour lui-même. Il ne voulait plus être à la place du mort. Il ne voulait plus voir la tristesse sur le visage de ses amis, qui tordait et violentait leurs traits. Il reconnut beaucoup de têtes. Celle qui lui fit écho et dont il était proche, était Erik. Il se posa alors à ses cotés après s’être éloigné de Jace pour venir s’adosser contre lui.

Hater vivait mal le malheur des gens qui lui étaient proches. Alors autant dire que toutes ces têtes tristes ne lui rendaient pas grâce. Il était tout de même content de voir Erik ici, pour pouvoir avoir un soutien également, même s’il n’était pas la priorité de cet évenement, il voulait éviter de le faire foirer avec sa maladresse et son silence était surement une bénédiction dans ce moment là. Il murmura alors Erik.

« Freak pas, s’il te plait. Juste besoin de toi quelques secondes. »

Il posa alors sa tête contre son épaule et s’appuya contre lui, le temps que tout se finisse. Que les gens partent. Qu’il puisse se redresser et respirer à nouveau. Ne plus étouffer. Ne plus avoir cette pression dans l’estomac qui lui donnait envie de vomir. Il redressa ensuite sa tête et esquissa un léger sourire vers son ami, avant de prendre la marche comme tout le monde, et de rentrer après un dernier regard vers Jace dont il espérait que la joie de vivre ne soit pas fanée à jamais.

En réalité je ne le connaissais pas, il y a beaucoup d’élèves à l’académie et on ne peut pas fraterniser avec tout le monde. J'ai rencontré Jace dans un autre optique, lui qui semblait le plus proche du défunt. Quand j’ai éclaté le nez de Joël à son boulot, c’est à l’hôpital qu’on s’est croisés pour la première fois. Les fois où je le revois sont assez rares, de toute façon je ne traine pas longtemps dans les couloirs depuis la reprise des cours. Pourtant je n’ai vu que du bien en Jace, Ethan devait être une bonne personne pour être un de ses meilleurs potes. C'est toujours triste de voir un étudiant partir aussi jeune, il devait avoir des problèmes trop importants pour finalement...s’effondrer. J'en ai la chair de poule à y penser, seul, au milieu de mon walk-in. J'en ai perdu des amis, alors je comprends que ceux qui m’y sont proches veulent y aller, pour un dernier au revoir. J'y serai en guise de soutien émotionnel, pas spécialement pour Ethan, plutôt pour Hater, Sasha, ceux qui ont confiance en moi, pour les libérer légèrement de leurs pleurs. Il y aura sans doute des enseignants et le directeur. Il restera toute de même un étudiant de Lifelam, pour la plupart d’entre nous.

Pour l’instant je cherche un habit noir. Ce serait malvenu d’arriver en couleurs franchement, alors j’opte pour un jean, un pull pour ne pas avoir froid et un veston pas trop chic. En plus des chaussures de la même couleur, je me mets en marche pour ne pas arriver en retard. Je connais parfaitement le chemin de l’église mais pour une fois, ça ne m’enchante pas de m’y rendre. Les funérailles ne sont pas trop ma spécialité, comme tout le monde j’imagine. Demeurant en retrait à l’intérieur, je reconnais beaucoup de personnes, certaines dont je ne suis pas trop fier. Un petit sourire en coin se dessine sur mon visage en voyant les yeux gris de Sebastian, ce n’est pas trop le moment de se taper une discussion dans ce genre de moment. La même tronche se dévoile en croisant le regard de Jace, je suis carrément mal à l’aise et c’est là que Hater se colle à moi, me faisant froncer les sourcils. Ma respiration s’active encore plus rapidement pour un rien avec ses paroles. Je dépose ma main sur sa tête, tirant sur l’épaule de Sasha pour l’amener vers moi.

-C’est toi qui me fais paniquer en disant ça. Hater, tu peux pleurer sur mon épaule autant que tu le veuilles, c’est jamais facile un...décès.

Lorsque les gens commencent à bouger vers l’extérieur, on suit. Par contre, je n’ai pas envie de laisser mes amis seuls chez eux.

-Vous voulez qu’on entre ensemble?

Ethan. Une tête aux cheveux bleus croisées plusieurs fois à l'hôtel au cours de l'été, mais un pianiste surtout, aux yeux de Sasha. Un ami de Jace aussi, raison pour laquelle il est là aujourd'hui, même s'il doit admettre que la disparition soudaine d'Ethan lui laisse un drôle de goût au fond de la gorge. Comme quelque chose de mort dans l'œuf. Il se rappelle l'avoir entendu jouer deux ou trois fois au club de musique, et l'avoir accompagné au moins une fois au violon avec Jace. Il n'y a pas de musique en ce moment, et ça manque. Elle déclencherait sûrement les larmes de tout le monde, mais elle ferait du bien. Elle vibrerait en chœur avec les émotions de tout un chacun, au lieu d'alourdir l'ambiance d'un cruel silence. Il regrette de n'avoir aucun instrument sur lui et tire sur son veston noir. Ça non plus, il n'aime pas ça. Il ne porte jamais que du noir, ça l'étouffe, mais il le doit aujourd'hui. Il a eu un mal fou à enlever tous les poils de chat dessus en plus, et il continue d'en retirer, mais des imaginaires cette fois. Juste pour occuper ses mains. Il trouve Alex, Jace et Hater devant l'église et offre ses condoléances après les avoir salués.

-Oui, entrons.

Inutile de s'attarder dehors, la cérémonie va bientôt commencer et il faut aller prendre place à l'intérieur. Sasha n'a jamais cru en Dieu, et qu'un garçon de son âge perde la vie si jeune ajoute à son indignation. Le monde est injuste, et il le ressent encore plus fort à l'heure actuelle. Il ne réalise s'être tendu que lorsqu'Erik l'attrape par les épaules pour le tirer vers lui. Le contact l'apaise et il reste contre lui, Hater de l'autre côté, dans le dos de l'américain. Juste pour se soutenir tous ensemble. Le brun se demande alors à partir de quel moment ils ont tous commencé à compter pour lui, et ce qu'il ferait si l'un d'eux venait à disparaître du jour au lendemain. Son regard se pose alors sur Jace, qui est en train de le vivre et d'essayer de rester debout. Il lui attrape la main en entrant dans l'église, pour lui donner de la force mais aussi pour le sentir près de lui. Besoin de contact et de proximité. Le groupe se dirige vers un banc et s'y installe, Alex, Jace, Sasha, Erik et Hater. À Jace, il chuchote.

-On peut aller allumer des cierges après si tu veux. Des bleus, je pense que ça lui ferait plaisir.

Il lui serre un peu plus la main en restant près d'Erik à qui il souffle un bref merci. Pourquoi, il n'est pas sûr. D'être là sans doute, tout simplement. Il est fort, Erik, il n'en donne pas que l'impression, de ça Sasha est certain.

Kris n'était pas un grand fana des enterrements. En même temps, qui l'était ? En théorie personne, sauf ceux qui arrivaient à se faire de la tune là-dessus. Acheter un cercueil en marbre avec des dorures, ton proche ne sera pas mieux qu'entre quatre planches reliées entre elles par quelques clous rouillés.
En fait c'était ça le problème : des enterrements, Kris en avait trop vu depuis qu'il était enfant, trop vécu pour y croire encore un minimum. C'était une cérémonie pour ceux qui restaient, pas ceux qui partaient.
Non.
Kris n'aimait pas les enterrements. Pas à cause de la tristesse, ou de l'atmosphère de regrets et de colère qui rendait le goût de l'air âcre. Mais plutôt parce qu'il ne ressentait rien. C'était ce genre de barrière qui se créait après de trop nombreux coups durs : les émotions chez le tatoueur, il fallait réussir à les créer. En ce moment c'était à coup de pelle ou rien.

Pourtant il était venu. Il avait croisé Ethan plusieurs fois : un garçon sympathique somme toute, un peu timide mais cela n'enlevait rien à sa gentillesse. Il se souvenait entre autre de cette fameuse soirée où il lui avait fait un cocktail sans alcool parce que l'étudiant avait bien précisé qu'il ne voulait pas en boire, quand tout le monde autour d'eux l'aurait certainement forcé à en ingérer.
Un chouette type.
Mais ce n'était pas pour lui qu'il était là non plus. Parce qu'Ethan, entre ses quatre planches de bois clair, il n'en avait rien à battre de sa présence tant qu'on le laissait reposer en paix et qu'on ne profanait pas son corps. Lui il était là pour une toute autre raison.
Sa clope s'écrasa sur le parvis devant l'église alors qu'il jetait un coup d'oeil au groupe d'étudiants qui venait d'entrer. Parmi eux, une tête rousse bien connue ; la raison de sa présence. Le soutien par l'existence. Kris profana ainsi les marches saintes du lieu religieux, de son corps impur et de son âme brisée, pour rejoindre le banc sur lequel le groupe s'était posé. Sans un mot, ses grandes mains aux doigts interminables se posèrent sur les épaules qui lui paraissaient plus frêles que jamais du rouquin, pressant doucement les trapèzes avant de se pencher pour appuyer son museau contre sa tempe. Et d'un murmure doux, lui apporter sincérité et protection :

- Désolé du r'tard.

C'était une période on ne peut plus difficile dans la maison. Autrefois vivante, pleines de sons, de soirées occasionnelles et autre réjouissance, elle était soudain bien silencieuse et vide, comme si elle aussi portait le deuil de son occupant disparu. Il ne savait même pas dire exactement combien de jours, combien de temps depuis qu'il avait apprit la disparition d'Ethan. Il n'était pas proche de lui comme pouvait l'être Jace mais être coloc ça rapproche et puis il s'était toujours bien entendu avec lui.

Il ne comprenait pas comment il avait pu ne rien voir. Il était en psycho bordel, il aurait du pouvoir voir quelque chose, se douter d'un truc, et agir. Mais non rien. Trop pris dans sa vie peut être, pas assez attentif, il ne savait pas et ne saurait jamais. Mais se sont des pensées que personne ne peut empêcher, que ressentent en général tous les proches des disparus. Ce regret de ne pas avoir pu faire plus avant qu'il ne soit trop tard. Malgré tout il y avait une raison pour laquelle il ne se laissait pas abattre. Jace. Parce que c'était un de ses meilleurs amis et qu'il souffrait bien plus que lui devant tout cela. Alors lui en retour il s'arrangeait pour être là chaque fois qu'il en avait besoin, l'aidant quand il pouvait tout en lui laissant son espace.

Jusqu'à aujourd'hui, évidemment qu'il était là pour l'accompagner, il ne pouvait pas laisser son ami partir sans un dernier au revoir. Habillé tout en noir contrairement à son habitude, il attendait patiemment Jace en bas de leur maison, lui laissant son temps. Il répond à son sourire par un léger avant de l'accompagner jusqu'au taxi. Aucun d'eux n'était vraiment en état de conduire ce jour. Il ne lui parle pas vraiment dans la voiture, le laissant à ses pensées, mais il pose délicatement sa main sur la sienne, simplement pour lui rappeler qu'il était là à ses côtés, pour lui et pour Ethan.

Les choses s'enchaînent au final assez vite, l'arrivée à l'église qui semble s'étirer très loin au-dessus d'eux, les gens sur le parvis qui se regardent, échangent quelques mots avant d'entrer. Il connait la plupart au moins de vue mais se rend compte que les enterrements rapprochent les gens. Il reste au côté de Jace, lui laissant son temps, ravalant son chagrin pour le moment. Finalement il prend sa main s'il le laisse faire.

-Allons-y

Il marche vers l'intérieur, même si sa gorge se serre un peu plus à la vision de la cérémonie préparée. Il avait cette phobie bien ancrée au fond de lui de tout ce qui touchait au drame et à la mort et qui lui donnait envie de s'enfuir mais il n'en fit rien. Il ne pouvait pas faire ça. Alors il avance avec Jace vers l'avant de la salle et bien vite ils sont rejoins par d'autres. Autres auquel il ne prête pas vraiment attention, les regardant à peine. De toute façon ils étaient là pour Jace avant tout, c'était lui qui en avait besoin. Il garde la main du rouquin dans la sienne, juste une légère pression pour maintenir sa présence. Seuls les mots du directeur font chemin jusqu'à lui, parce qu'il s'adressait à tous, mais il est bien incapable de faire autre chose que d'acquiescer d'un hochement de la tête, les mots bloqués dans sa gorge, lui qui avait d'habitude la parole et le contact facile. Il reste près de son ami tandis que tous les gens finissent de s'installer avant le début de la cérémonie. Le dernier hommage à une vie qui s'était finie trop tôt.

Il y avait des déplacements autour de lui. Des personnes qui arrivaient, pour échanger un dernier souvenir, soutenir quelqu’un qui leur était cher dans cette épreuve. Le français les voyait, ces regards affectueux qui se voulaient, et étaient, réconfortants. Chacun d’eux trouvaient un faible sourire en réponse, non, il ne devait pas se laisser glisser lentement vers les tréfonds sombres et envahissants qu’il avait déjà côtoyé des années en amont. Deux paumes entraient en contact avec les siennes, son regard s’abaissait vers elles et il les serrait avec douceur pour entrer dans ce lieux froid, silencieux avec cette sensation d’être hors du temps. Volant un peu de courage par ce contact à ses amis. Les pas semblaient faire échos, chaque son était amplifié et se propageait, perturbant la clarté du lac qu’était le silence initial de cet église. Éclater en sanglot ici ne ferait que s’amplifier pour que les sons ne se perdent jusqu’aux veloutes de marbre.
Ça avançait dans l’allée, d’un pas clair, alors qu’en son fort intérieur ça hurlait, ça repoussait le monde extérieur pour attraper ses mèches entre ses doigts et tirer dessus. Pleurer. Hurler. S’en briser les cordes vocales. Une boule se créait dans sa gorge, une légère pellicule venait humidifier son œil mais il abaissait ses paupières un instant et avalait sa salive difficilement afin de défaire ce noeud qui ne faisait pourtant que prendre plus de place. Ça faisait mal. Très mal.
Et ça n’arrêtait pas de se poser des questions qui n’aidaient en rien : « j’aurais du voir, j’ai raté de signes ? », « il m’en a déjà parlé de sa souffrance ? », « j’étais pas assez présent ? » pour conclure à chaque fois par « j’suis qu’une merde ». La douleur bien que mentale, s’en prenait à son physique, cherchait un moyen de s’exprimer par toutes les possibilités que lui offrait son enveloppe corporelle. Si la mort n’avait pas atteint ses cellules, il la sentait bien, cette chaleur qui avait quitté ses joues et l’impression de mourrir. Littéralement. Son attention se faisait récupérer par une voix bien plus calme que son fonctionnement interne et il opinait légèrement du chef, gardant un sourire plus doux que son habituel si étincelant.

- Oui, j’aime beaucoup l’idée… Merci Sasha.

Ses doigt se resserraient sur les deux mains pâles. Essayant de garder cette contenance. Il avait l’habitude Fray, d’être fort, exactement dans ce genre de circonstances, mais ses yeux ne pouvaient s’empêcher de se faire piquants face à ces quelques perles d’eau qui allaient et venaient, sans jamais vouloir s’écraser le long de ses joues. Une chaleur venait envelopper ses épaules, lui faisant diriger son attention vers elle. Encore cette maigre esquisse qui venait barrer son visage, fermant les yeux le temps du contact peau à peau.

- Merci d’être là, Kris…

Et c’était sincère. Même si à chaque fois il ne répondait que par quelques brides de mots, semblait à peine être présent, c’était pensé. Le retard, il n’en avait vraiment rien à foutre. Même si une personne décidait d’arriver en plein milieu de la cérémonie, c’était tout ce qui compterait à ses yeux, qu’elle soit venu. De toute façon, lui même n’était plus capable de réaliser ce qui se passait autour de lui. Ayant quelques moments de troubles ou plus rien ne semblait cohérent. Il en venait même aux pensées irrationnelles qu’il s’agissait d’un mauvais rêve. Que ce n’était pas vraiment en train d’arriver..!
Semblant le rappeler au moment présent qui souhaitait filer de sa prise, le directeur faisait dresser le nez retroussé du rouquin vers lui. Ça devenait de plus en plus dur, de se retenir. De ravaler tout ce ressentiment. Parce qu’il réalisait qu’en fait, il lui en voulait et qu’au delà de tout, il s’en voulait à lui même, de ne pas avoir réussi à aider Ethan.

- Merci monsieur Phœnix…

Ses métacarpes quittaient ceux qui le soutenaient jusque là pour récupérer le bouquet. D’un même temps, sa tête s’abaissait pour détailler les fleurs.

- Elles sont très belles…

Elles devenaient troubles. Encore de l’eau dans ses yeux. Il se sentait de nouveau enfant, exactement le même qui avait perdu son père dans des conditions similaires. Encore cette douleur. Une bille d’eau s’échouait le long de sa peau pâle alors que sa mâchoire se serrait durement pour contenir ses jumelles. Il n’entendait plus les mots de l’homme qui avait déposé le bouquet entre ses doigts, ni même ses pas qui s’éloignaient ou encore l’éloge que le prêtre entamait une fois toutes les personnes présentes sagement assises.
Alors c’était ça, c’était vraiment finit…
S’il avait pu, il serait parti, en courant, loin, de laisser aller à ses réactions primaires, hurler, pleurer, se faire du mal pour expier cette trop grande souffrance. Mais rien de tout ça n’arrivait et Jace, gardait les yeux rivés sur le contour de ces fleurs. Les paroles de l’homme qui annonçait la fin d’une vie étaient belles, mais cruellement impersonnelles. Elles n’avaient rien de ce réconfort pourtant vital. Elles n’étaient pleines que de cette tragédie, accentué par les cloches qui se mettaient à retentir, lente et interminables. Du moins c’était ce qu’il en avait ressenti. La suite des choses, il n’avait pas envie d’y assister, cette mise en terre… Se relevant finalement, serrant tout contre lui le bouquet de fleur en veillant à ne pas l’abîmer, ses gestes devenaient mécaniques. Sa conscience fuyait de son interne pour se représenter par un regard vide, sans le moindre éclat. L’extérieur revenait tout contre son corps, l’enveloppant alors qu’il cherchait déjà dans ses poches une autre tueuse et un briquet. Geste désespéré qui terminait dans par cette flamme et une insufflation. Même ça, ça n’avait plus aucun goût. Son regard se relevait vers ses amis. Une inspiration sur son bout de tabac et de nouveau ce mi sourire.

- Merci d’être tous venus, vraiment… Je…

« N’ai pas les mots », « vais rentrer », « veux ma mère ». Ses repères, des choses vers lesquelles il voulait se tourner pour s’y plonger. Son pouce se glissait sur sa peau afin de faire disparaître cette larme.

- Juste, merci.