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Ronce - D Y N A S T Y

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Mer 2 Juin - 17:18





D Y N A S T Y
Ft. Roman
Chaque foulée laissait une trace dans l'épaisse poudreuse qui tapissait le flanc des montagnes. Enfoncé de quelques millimètres, le pas botté évoluait lentement à flanc de colline, une épaisse bête sur les talons. Elle l'avait attendu à l'orée du bois, la truffe au vent, enfouit dans la cachette que lui procurait l'ombre des pins. La patte lourde marquait le sol de quatre allongements distinctifs dont les griffes en étaient la prolongation. La fin de sa colonne vertébrale touffue traînait à même la terre, fouettant l'immaculée poudre pour aider à l'effacement de leur passage. Deux fantômes dans l'immensité silencieuse et morbide qu'était la forêt.
Non loin, le premier bosquet se dessinait, prêt à être contourner. Et le trompe-l'œil naturel de la roche leur offrit bientôt leur entrée. Les ombres pénétrèrent la galerie souterraine qui s'enfonçait à plus de six pieds sous terre, foulèrent d'une avancée silencieuse mais ferme, le roc qui avait naturellement été creusé par les passages. Et la première lumière.

C'était là.

Une activité intense, toujours présente et qui, jamais ne cesse.
Des hommes, des femmes, parfois même des enfants trop jeunes par dizaines qui colonisaient les galeries avec la même organisation qu'une fourmilière. Les yeux faucon observèrent depuis leur hauteur, les ateliers qui étaient toujours actifs, les membres de sa Cause présents ou non. Plus bas, Diáleimma découvrit quelques millimètres de crocs clairs : la tension présente dans chacun des muscles du corps jeune semblait gagner en ampleur chaque seconde, en écho à celle de son maître.
Quelque chose n'allait pas. Et ça n'avait rien à voir avec son absence de quelques - trop longs - jours. La faiblesse l'avait gagné, rentrer dans un pareil état aurait été une erreur impitoyable de stratégie. Le dos droit mais la nuque fatiguée, Lysandre projeta une image de son champ de vision, directement dans la tête de sa progéniture. Roman était-il au camp ? En tout cas, il n'était pas loin.
D'un rejet de nuque en arrière, la louve annonça leur présence à grand renfort de voix ; un long hurlement sourd qui ricoche entre les murailles, jusqu'à chaque oreille de chaque présence humaine ou vampirique.

Incapable d'attendre davantage, la bête descendit en quelques sauts de leur estrade, avant que le lys ne lui emboîte le pas, une poignée de secondes plus tard. Le métis passa brièvement devant sa tente sans pour autant s'y arrêter alors que déjà, la brunette stoppait son avancée devant celle de Roman. Un claquement de dents pour annoncer sa présence alors que déjà, Lysandre l'incitait mentalement au rapport.



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Jeu 8 Juil - 14:18
Ce n’est pas bon, pour toi, de rester enfermé ici trop longtemps. Les murs de pierre ont pris l’aspect d’une infinie membrane de peau sombre, sèche, morte, et qui pourtant se gonfle et se rétracte encore sous l’effet d’une lente respiration. La grotte vit à peine, mais juste assez pour sentir ta présence, et vouloir resserrer sur toi son corps froid. Allongé sur ton lit, tu imagines la blancheur aveuglante de la neige sous une lune pleine. Rien ne bruisse, sauf parfois les bruits étouffés du campement traversant les pans de la tante, ou le cliquetis léger des chaînes d’Aldric lorsqu’il bouge, de l’autre côté de la porte. Mais tu n’as pas ton propre souffle pour compagnie, tu n’as pas le battement de ton coeur - ça fait longtemps que tu n’as plus rien de tout ça. Ça fait longtemps que tu es ici. Combien de semaines ? Sans sortir. Pour surveiller l’otage. Mais ces jours-ci, tu as plutôt l’impression que c’est l’otage qui te surveille. Tes interactions avec lui sont de plus en plus brèves, de plus en plus sèches. Il y a bien quelques fois, c’est vrai, où tu as senti que vous dépassiez une limite précieuse ; ces fois où tu es resté, où vous avez parlé, parlé, à demi-mots d’abord, puis avec une étrange liberté, presque totale, comme si le destin était ailleurs, qu’il n’existerait plus de conséquences en dehors de cet instant. Que cet instant était complet, détaché des autres. Puis tu as regretté chacun de ces moments. Tu les as regrettés chaque fois que tu lui as tourné le dos pour sortir, que tu as senti son regard s'appesantir sur tout ton dos. Son regard clair, dans l’ombre de la tante, dardant partout là où il ne faut pas, te rappelant qu’il est vivant, qu’il est quelqu’un, au-delà de son nom. Ce nom que tu hais. Et plus tu le considères, plus son altérité se renforce. Tous ses petits éclats d’humanité qui te coupent la chair, ah, il suffit d’une fraction de seconde, et quand tu le fixes à nouveau, c’est un chien, juste un chien. Un homme et un chien dans le même corps. Tu ne sais plus lequel des deux tu méprises. Lequel des deux tu aimerais sauver, et lequel tu aimerais achever.

La neige est bleue, sous tes paupières. Elle s’assombrit. Elle devient compacte, lisse, métallique.

Le hurlement du loup descend dans toutes les fibres de ton corps comme autant de fils électriques. Dès que tu ouvres les yeux, l’image mentale de ton créateur frappe en plein centre de tes pupilles, bloquant momentanément tout à ta vue. Puis les objets communs de ton quartier réapparaissent, statiques et inchangés, baignés dans le doux mouvement, l’incertain mouvement du feu. Tu t’es levé. Ton corps est toujours aussi stable, aussi puissant, qu’importe le temps où tu le laisses immobile. Mais perchée au coeur de ces muscles et de ces os blancs, ton âme vacille, se révulse comme une proie. Le museau de Diáleimma perce la tenture à l’entrée - sa gueule apparaît, puis ses yeux fixes, tout son faciès de loup, ses épaules lentes et basses, sa silhouette effilée. Tu la dévisages elle, pour ne pas regarder son maître, pénétrant ton antre à sa suite. Pas que tu puisses oublier cette aura, mais chaque fois qu’elle revient après une longue absence, elle t’écrase, te somme à quelques désirs nébuleux. Tu es droit, face à lui ; tes orbes montent dans les siennes, bicolores, dérangeantes - ce n’est peut-être pas seulement sa présence qui te trouble. Elle ne fait que mettre au jour les racines d’une démence ordinaire qui a commencé à faire de petits réseaux souterrains dans ton esprit lucide, si lucide, n’as-tu jamais vraiment été raisonnable, les choses n’ont-elles jamais fait sens… ?

Il a beaucoup neigé.

Ta voix te semble désincarnée, à côté de ta langue. Cette phrase flottante répond à une logique interne que tu ne saurais expliquer. C’est comme si elle testait l’espace supposément vide entre vous deux, s’assurait de la solidité du fil qui vous relie. Ou ne vous relie plus. Un instant, le souvenir de ses longs doigts osseux à travers tes cheveux plombe ton assurance. La seconde suivante, tu penses à ta neige métallique, celle qu’il y a en toi, sur ta langue, puis tapissant tout ton crâne.

Il a beaucoup neigé, qu’est-ce que tu voulais lui dire ; beaucoup de temps a passé, beaucoup de choses ont été faites, ce sont accumulées, beaucoup d’épaisseur, de choses qui nous séparent, beaucoup, beaucoup, je ne pourrais pas tout t’expliquer, te résumer, me justifier.

Tu as de nouveau vingt ans. Tu en as trois cents.

Diáleimma est allé fourrer son museau curieux contre le pan de tissu séparant de tante de celle d’Aldric. Elle gronde sourdement, confirme la présence inconnue que Lysandre a déjà dû ressentir.

Un sourire incontrôlable tire ta bouche. C’est une mimique comme une autre ; ça ne se moque pas, ne provoque pas, n’est pas nerveux. C’est plutôt comme un tic, lent, un peu animal, peut-être. Un rictus douloureux qui dévoile tes crocs, qui s’efface pour le laisser passer, vérifier par lui-même ce que tu as accompli durant son absence. Une envie bestiale de sang te prend aux tripes. Tu exultes en silence. Un triomphe au goût acide, une haine sirupeuse, qui colle partout, s’étend, une douleur qui engourdit ton jugement.
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Jeu 8 Juil - 18:53





D Y N A S T Y
Ft. Roman
Il a beaucoup neigé.
Ce sont ses premières paroles, les premiers sons qui franchissent le seuil de sa bouche alors que la présence fantomatique a déjà envahi les lieux. La truffe au vent, l'ombre lupine du corbeau s'est faufilée à l'intérieur de la tente, là où une odeur inconnue venait titiller ses sens aux abois.
Lysandre attend.
Il n'a pas besoin de demander pour savoir.
Roman, en son absence, n'a pas eu que des bonnes idées. Son créateur dévisage le sourire d'un oeil critique, cherche une once de fourberie qu'il ne trouve pas avant de dévier sur l'ouverture qui laisse entrevoir un corps. Inerte. Certainement attaché en premier lieu.
De là où il est, il peut entendre la bête gronder.

- Un invité ?

Sa voix sonne moins comme une question qu'un avertissement.
D'un pas, il s'approche ; d'un bras, il repousse le pan de toile pour découvrir le seigneur attaché, les chaînes tendues par le poids de ses membres et les mèches prise par la saleté.
Un invité, en effet, mais qui semble bien peu consentant.
Dans un premier temps, le lys ne réagit pas. La louve s'est contentée de faire le tour du lieu avant de ressortir, posant un oeil narquois sur son frère, l'air de lui assurer que la correction le guettait. Le chef de la rébellion, lui, reste inactif. Presque invisible dans ses pensées.
Son regard ne coule pas vers son second mais d'un élan tendu, il s'approche de son prisonnier, relève son visage d'une main calme afin de chercher dans ses prunelles clairs, la preuve d'un quelconque traumatisme mental ou corporel.

- Aldric. Es-tu blessé ?

Ça demande, la voix basse, l'oeil inquiet.
Une ride marquée par un froncement de sourcils nait tandis que d'un doigt, il frôle les entraves serrées sur les poignets certainement endoloris de l'humain. Dans le silence pesant qu'apporte sa mauvaise humeur, sa langue claque et d'un oeil vivace, il accuse son second vers l'arrière.

- Explique-toi.



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Dim 18 Juil - 19:43
Aldric attendait, puisqu’il lui semblait avoir épuisé toutes les autres options. Il ne savait pas réellement quoi, quel déclencheur lui permettrait d’agir - d’essayer - ou s’il devait simplement attendre le bon vouloir de Roman… Ou l’arrivée de quelqu’un. Les trouverait-on, ici ? Qui finirait par céder, parler, livrer cette planque qui méritait d’être à sac, les entrailles des traitres à son frère gelant sur la pierre froide comme avertissement à quiconque osait défier les lois du domaine ? Il ne songeait ainsi que lorsqu’il en avait l’énergie, lorsqu’il ne se laissait pas engloutir par cette marque terrible à son poignet, la trahison, sa bêtise qu’il portait à présent sur sa peau.

L’immobilisme l’épuisait, le bruit des chaînes à chaque mouvement entrait dans son crâne plus certainement que les quelques discussions qu’il avait pu avoir avec son bourreau. Les instants où il ne se sentait plus uniquement prisonnier, un objet entreposé dans un coin pour faire pression. Ces instants qu’il se retrouvait à chercher et espérer, car au moins le temps semblait se remettre en route ; ce n’était plus qu’une attente infinie, entrecoupée de repas qu’il avait abandonné de compter, et de bains surveillés qui le dépouillaient de bien plus que la crasse.

Il y avait quelqu’un dans la tente attenante, en plus de Roman. Aldric avait abandonné l’idée de chercher de l’aide, ignorant si c’était par fierté ou désespoir. Alastair viendrait. Il n’avait qu’à l’attendre, et rester en vie d’ici là. N’avait-il, de toute façon, pas été relégué à la passivité sa vie entière, qu’il le veuille ou non ? Pourtant, lorsque le loup passa le museau sous le pan de tissus qui séparait les deux tentes, il ne bougea pas. Vivre à côté de Roman était bien plus dangereux que toutes les bêtes, bien ou mal dressées, qui pouvaient visiter la grotte.

Mais ce ne fut pas le colosse usuel qui souleva la toile, et Aldric posa un regard étrangement perçant, froid comme pouvait l’être celui de son frère, sur le nouveau venu. Un visage connu. Une injustice de plus, un couteau planté dans le dos d’Alastair. Comment Lysandre pouvait-il lui faire ça ?

Sans songer à l’image qu’il devait donner - Roman l’en avait dépouillé, avec le temps - il se redressa sur un coude à la demande de la main sur son menton. Puis il s’assit lentement, sans répondre, son regard coulant du visage de Lysandre à son propre poignet, marqué du sceau immonde de Roman. La marque était visible malgré les entraves. Puis il détourna le regard, dans une fausse pudeur. Lysandre. Il se souvenait de ce qu’avait dit le petit vampire blond lorsque Roman l’avait ramené.

“Pas plus que nécessaire.”

Au fond, Aldric ignorait ce qu’il renvoyait comme image. L’enfermement ne lui avait pas fait de bien, il se sentait tout le temps épuisé. La fièvre qui l’accompagnait souvent était toujours présente, dans ses yeux éteints, singeant une lueur de vie. Il sombrait tous les jours un peu plus, au point que la notion de journée n’était plus qu’un souvenir lointain. Il avait maigri, il portait des vêtements qui n’étaient pas à lui mais au colosse et pourtant, il cherchait encore comment faire payer tout cela à Roman, au travers de ce traitre à son frère qui osait se présenter devant lui.

“Il veut faire pression sur mon frère. Le rendre fou de rage, en me détenant. D’après lui, c’est intelligent de faire souffrir les habitants du Bourbier pour faire avancer votre cause.”

Lentement en parlant, Aldric semblait disparaître, se recroqueviller. Comme s’il en avait quelque chose à foutre, du Bourbier. Qu’ils crèvent tous, tant que ses proches allaient bien…
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Dim 18 Juil - 19:44
Dynasty

Un invité. Oui, de grande marque. Ça luit, tout au fond de tes pupilles dilatées. Le mot enfle, tourne en boucle, un invité, un invité, le mot est un papillon fou s’excitant autour d’une flamme allumée au centre de ton esprit. Lysandre entre à la suite de sa louve pour découvrir une tête blonde et familière. Tu les as suivis, tu as prédit ce geste doux qu’il aurait, en s’agenouillant devant le captif, en relevant sa tête, cherchant les marques du traumatisme ; et cette voix de velours, toujours si bien mesurée, qui dit son nom, qui demande : Es-tu blessé ? Pourquoi toujours autant de considération pour l’ennemi. Tes yeux se plantent sur la nuque de Lysandre comme deux glaives. Ce que tu as constamment perçu comme une force chez ton Créateur, cette force de la tempérance qu’il te manquait, qu’il te manque toujours, se désagrège soudain, se défait de sa sèche coquille - c’est un défaut

une faiblesse

Aldric croasse quelque chose. Tu vois le doigt fin de ton ainé effleurer les liens de ton otage. Quelque chose frappe derrière ton front. C’est dangereux, ce qui accueille le regard acéré que Lysandre tourne vers toi.

Explique-toi.

Ta langue est sèche. C’est toute cette neige, toute cette neige grise comme l’acier, descendue fondre, particules de cendre, sur tes gencives. Aldric parle, lui - Il veut faire pression sur mon frère. Le rendre fou de rage, en me détenant. D’après lui, c’est intelligent de faire souffrir les habitants du Bourbier pour faire avancer votre cause.

“Fou de rage” ; tu aimes cette expression. Fou de rage. Qui de vous deux, entre Alastair et toi, court ce risque - ce n’est plus aussi clair. Tu retournes sous ta tente, en silence, accrochant les billes vairons de ton Créateur avant de pousser le pan de tissu. De disparaître derrière, trop grande ombre, deuxième loup.

J’encule les habitants du Bourbier, tu susurres, avec joie, avec colère, quand Lysandre entre à ta suite, et tu attrapes la cruche de vin pour te servir un verre, s’ils ne veulent pas se révolter contre leurs bourreaux, est-ce qu’ils méritent vraiment une quelconque liberté…

La cruche est vide. Tu la déposes, figes un instant, puis relèves des yeux félins vers le corbeau, la main toujours sur l'anse. Cette guerre que tu mènes s’est écartée bien loin de celle de Lysandre. La vengeance a brouillé les pistes menant jusqu’à ta raison. Ce qui fait sens, dans tes tripes, a dérivé lentement vers des contrées plus obscures. Tu sais ce que Lysandre en pense ; tu le vois dans son immobilité, dans son silence. Ce n’est pas un espace qu’il te donne pour que tu parles, mais tu le fais quand même, amer, exultant d’un froid triomphe, de plus en plus désinhibé.

… Tu ne m’as jamais demandé ce qui s’était passé en Russie…

On voit très bien le blanc, tout autour de tes orbes. Ça se moque. Non, Lysandre, tu ne m’as jamais demandé, parce que tu n’as pas voulu confirmer ce que tu pressentais déjà ; que ta progéniture glissait, glissait dans le vide des années, dans le grand vide trouvé au sein d’un combat sans issues, sans rédemption.

J’étais dans l’ancienne Perm, avec tes hommes, Lysandre… et il y avait ces petits seigneurs, ils se sont bien repentis, oui, quand ils ont compris que tous leurs sujets les tenaient en otage. Ils se sont bien repentis, ils ont offert réparation. La paix, qu’ils disaient. Beaucoup d’habitants ont voulu croire en cette utopie… la paix.

Tu répètes ce mot comme on crache. Puis tes traits s’éclairent de l’intérieur, le petit papillon fou vient de périr dans le feu, et cette lumière inquiétante lèche les traits sombres de ton Créateur, profite de son mutisme total pour s’enfoncer un peu plus profondément, révéler des ombres, d’abyssales ombres plongeant leurs racines là où on ne peut pas les suivre, les retirer.

Le jour d’après leur expiation, nous les avons massacrés dans leur sommeil. Tous, sauf un. Leur meneur ; un petit garçon, un si petit garçon, un héritier. À peine vingt ans, Lysandre, tout juste transformé. Portant le poids des erreurs de ses ainés. C’est lui qui voulait le plus de cette trêve, de ce renouveau.

Tu te lèches les lèvres. Tu n’entends pas le grondement sourd de Diáleimma, presque plaintif.

J’ai traîné… le petit seigneur… devant tous ses loyaux sujets… Ses pieds, je les ai attachés à un pieu profondément enfoncé dans le sol, et son cou, je l’ai enserré dans une corde, et cette même corde, je l’ai attachée à la selle de mon cheval… le souffle est rauque, les crocs longs. Ton regard affecté se promène d’une couleur à l’autre, dans le regard de ton Créateur, avec précipitation, déséquilibre. Il pleurait et personne n’a rien dit. Il suppliait… et personne n’a rien dit. Parce que personne, personne n’y croit, à cette paix. Personne n’est prêt à faire passer son humanité avant ses propres douleurs. J’ai lancé le cheval au galop… et il a tiré, il a tiré jusqu’à ce que s’arrache cette petite tête pathétique. Et je l’ai traîné dans la neige, et personne n’a rien dit, une foule a rarement été aussi silencieuse, aussi prêt de la vérité…

quelle vérité il te semble qu’elle se cache quelque part tout près peut-être même au creux de ce discours comme en sous-texte ou entre les mots et les horreurs et les actions qui se répètent constamment sans que rien ne soit modifié jamais Lysandre dis-moi que tu comprends même un tout petit peu quand tu m’as regardé sur ce pilori quand tu as été égoïste je sais que tu as compris cette haine forte ce pilier invicible tenant en vie tout mon corps et le tient je sais que tu héberges cette même colère ce même animal dis-moi que tu n’aurais pas même joui un tout petit peu de cette décapitation sommaire dis-moi que je ne me suis pas éloigné mais bien rapproché de la vérité

Tu fais un pas vers lui, sans t’en rendre compte ; c’est le claquement agressif des crocs de la louve qui fige ton mouvement, son grognement plus mauvais que jamais, un avertissement final.

Il y a du rouge, sous le métal sombre de ta neige, une braise violente fondant l’acier de ton paysage. Quelque chose étreint ta gorge, tes viscères, fait frémir ta peau striée. Cette foudre, que tu sens bourgeonner sous la surface, est-elle la tienne ou celle de Lysandre… ?

Ta voix souffle, blanche, comme un spectre hors de ton corps, hors des conséquences : je vais le massacrer… et son frère avec lui… tu m'entends... ?
 

A-Delta Lord
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Dim 18 Juil - 20:14





D Y N A S T Y
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Vivant, oui. Blessé, pas plus que nécessaire. La rancoeur se lisait sans mal dans les prunelles bleutés du jeune Roncepourpre qui le dévisageait longuement. Eh bien, voilà un problème supplémentaire qu'il allait falloir gérer. Roman allait l'entendre, ce coup-ci peut-être plus que les autres. Mais au fond, était-ce réellement une mauvaise chose ? Le corbeau avait erré dans la forêt et dans le village, passant de connaissance en foyer vide pour tenter de se ressourcer et de construire ce qui, dans sa tête, pouvait conduire à une profonde réflexion. Sa cause était-elle bonne ? La façon de l'aborder, tout autant ? N'allaient-ils pas assez vite ? Trop lentement ? Devait-il reprendre les essais de Leïf, tenter une coopération avec son ami de jadis peut-être ? Ou frapper fort, plus fort, aussi fort que la tempête qui animait l'esprit de son rejeton ; il le sentait de là.

- Il veut faire pression sur mon frère. Le rendre fou de rage, en me détenant. D’après lui, c’est intelligent de faire souffrir les habitants du Bourbier pour faire avancer votre cause.

Le dernier mot, craché comme une insulte, ne le fit pourtant ni reculer, ni animer son visage d'une expression qui le trahirait. La façon de parler de l'humain donnait le ton ; quoiqu'à sa place, enchaîné dans un endroit qui lui était inconnu, le vampire serait peut-être également légèrement sur la défensive.
Légèrement.
Lysandre ne s'énervait jamais après tout.
Jamais.

Dans son dos, il sent les sentiments de Roman s'agiter. Point d'empathie ou de remord, ce n'est là qu'une colère sourde qui grandit encore, peut-être davantage de le savoir de retour. Le brun n'ajoute rien, tourne simplement les talons après un appui bref de sa main sur l'épaule du détenu, avant de suivre son second dans sa tente. Là, à l'abris des oreilles et des regards, le métis ne s'assied pas, n'esquisse pas le moindre pas à vrai dire.

- J’encule les habitants du Bourbier, s’ils ne veulent pas se révolter contre leurs bourreaux, est-ce qu’ils méritent vraiment une quelconque liberté… Un long silence suivit d'un regard trop violent, accusateur. Le genre qu'il faisait exprès d'ignorer, quoique peut-être un peu inconsciemment, … Tu ne m’as jamais demandé ce qui s’était passé en Russie…

Certes. Non.

- J’étais dans l’ancienne Perm, avec tes hommes, Lysandre… et il y avait ces petits seigneurs, ils se sont bien repentis, oui, quand ils ont compris que tous leurs sujets les tenaient en otage. Ils se sont bien repentis, ils ont offert réparation. La paix, qu’ils disaient. Beaucoup d’habitants ont voulu croire en cette utopie… la paix. Roman avait toujours été instable. C'était pour cela qu'il l'avait récupéré. Le jour d’après leur expiation, nous les avons massacrés dans leur sommeil. Tous, sauf un. Leur meneur ; un petit garçon, un si petit garçon, un héritier. À peine vingt ans, Lysandre, tout juste transformé. Portant le poids des erreurs de ses ainés. C’est lui qui voulait le plus de cette trêve, de ce renouveau. Pour ça qu'il l'avait gardé, éduqué, soutenu, transformé. Tout pour le garder à ses côtés, car le fauve représentait cette force brutale, cette morsure sanglante que l'Immortel n'avait plus depuis bien lointain et qui au final, lui faisait cruellement défaut. Peut-on mener des légions avec calme et stratagème, si le sang ne bout pas un minimum au creux des veines ? J’ai traîné… le petit seigneur…

Peut-être qu'elle bout encore, la colère.
Qu'elle monte lentement sous les mots assassins que lui crachent à la gueule la voix sourde du viking. Qu'elle se développe, éclot comme une fleur tout au fond d'un lit de tripes pour libérer ses spores acides dans sa gorge. De l'extérieur, le métis ne bouge pas. Pas un trait, un clignement, un grondement ne trahit ses pensées. Son absence de pensées.
Pour une fois, sa tête est vide. Ou plutôt trop pleine, mais envahit par les pensées, la rage, les ressentis présents de celui qui avait un jour été son nouveau né. Un jour. Et qu'il voyait, ce soir, enchaîné, enfermé, peut-être décapité de sa main. Cette main dont les doigts ont tressauté lorsqu'il s'est approché et que la louve a grogné.

- Je vais le massacrer… et son frère avec lui… tu m'entends... ?

Dernier élan, seulement, de ce qui lui reste de folie et d'affection pour le seigneur de Roncepourpre et qui le pousse dans son action. Un bras long s'étend à la vitesse d'une lance, saisit le cou fort et du même mouvement, le plaque violemment contre la table. Le meuble est ébranlé mais tient, d'une force venue dont ne sait où. La violence du frisson qui prend le corbeau jusqu'à la nuque lui fait alors réaliser deux choses : tout d'abord, que sa force a diminué bien plus que ce qu'il ne l'avait imaginé. Il tient Nebojša à la gorge mais n'est pas sûr de pouvoir le maintenir ainsi éternellement. Secondement, que ses sentiments trop longtemps bridés, commençaient enfin à déborder.
Protéger Alastair ? Pourquoi ? A quel prix ? De qui, son propre second ? Second dont il avait fait semblant de ne pas remarquer les déboires, les désirs cachés, cette sombre rage qui décimait ses tripes depuis tant d'années ? Quelque chose d'illogique rongeait la naissance de ses cervicales, quelque chose qui lui fit détourner le regard vers la droite. Inattention fortuite, certainement. Pour l'un mais pas pour l'autre.

Il l'a lâché, ensuite, plutôt repoussé brutalement ; la table a chuté elle aussi.
Quelque chose ne va pas.
La louve a couiné, sans qu'il n'y prenne vraiment gare, avant de s'avancer pour grogner violemment sur le nordiste.
Quelque chose ne va plus.
L'esprit embrouillé par la marche du stratège commence à avoir du mal à démêler le vrai du faux, le bon du mal. Le chemin à prendre parait d'un coup beaucoup plus ardu que ce qu'il pensait, tout parait moins logique. Les doutes s'emmêlent, des visages et des paroles passées qui ressurgissent. En reculant, le brun a percuté un meuble contre lequel le plat de sa main a ripé avant de s'appuyer.
Quelque chose ne va pas du tout.
Ses yeux. La rapidité avec laquelle son coeur bat, malgré la lenteur dont il est censé disposer. Le sang qui afflux vers le cerveau avant de le fuir. L'obscurité qui abaisse un voile devant ses yeux et la dernière pensée qui lui échappe, entièrement focalisée sur son ami et ancien leader, pendu à un arbre jusqu'à ce que mort s'en suive.


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Dim 13 Mar - 13:48
Dynasty

Tu es face à une statut de sel, et tu la connais bien. Elle s’éveille et glace tous les membres de ton Créateur lorsqu’il doit faire face à cette colère latente que tu traînes, craches ; ses yeux fixes sur tes yeux fous. C’est comme un avertissement, mais aussi comme une raison de continuer. Champ libre. Silence de tombe où meurent tes mots, ton fiel, tu te débats pour ne pas être entendu en vainc.

Et ça bouge, tu crois, quand tu souffles ta menace, ça bouge vers toi, et la louve émet un son guttural. Quelque chose grimpe rapidement dans ton ventre, frappe violemment sous ton plexus : une crainte. Animale. Instinctive. La seconde qui s’étire, pour bien distiller son avertissement létal, et tu comprends, dans ton corps, pas dans ta tête. Ton esprit ne voudrait pas accepter cette chose-là. Que Lysandre te veuille du mal. Immunisé nulle part, sauf à ses côtés.

Alors c’est ce corps solide qui se crispe, accuse le choc. Le Corbeau a bougé vite. Quelque chose hoquète dans tes nerfs, dans tes pensées embrouillées, éclatées, tout à coup. Tu tombes. Tu sens la chute, vertigineuse, même lorsque ton dos frappe contre le bois de la table, que plus rien ne bouge, tu tombes encore, tes pupilles dilatées bouffant celles de Lysandre avec le poids cruel de l’incompréhension, de la peur, et derrière, encore, comme un fil rouge, qui se serre et se serre et vous étrangle, une haine insoluble.

Ça ne va pas. Rien ne va. Tu te sens nauséeux. Hors de toi-même. À côté, à côté complètement de ta peau, de lui. Il est fort ; mais moins qu’il devrait l’être. Ça te fait tilter, mais ce n’est pas ça qui a commencé à te ronger les sangs. Une pensée, une pensée comme un petit parasite, là, en sous-texte, depuis un moment, qui se clarifie, mine, corrode... Lysandre protège Alastair.

Lysandre protège Alastair.

Ça bute en boucle, un non-sens, un déni. C’est plus qu’une simple confusion ; non, cette réalisation soudaine ne te laissera aucun répit. Sous la main puissante de ton aîné, tu sens ta gorge comprimée se remplir d’une lave corrosive, et ta tête, ce royaume assiégé, se diviser, s’ouvrir, s’obscurcir.

Ça lâche.

Tu te redresses, ébranlé, vois le vampire tituber. Entends sa chienne gronder. Un flash, partagé dans l’esprit défaillant de ton Créateur ; tes mains sur le cou de l’animal. Lui tordre la nuque, à son loup. Parce que tu n’es pas capable de concevoir tordre son cou à lui, à Lysandre.

Pas encore.

L’animal couine douloureusement dans vos esprits - c’est tout ce qui alimente votre lien, en cet instant précis, cet élan de panique, de douleur, puis le lien frémit, divague, qu’est-ce qui se passe, Lysandre, mon père, mon frère, mon ami, mon amour…

Il s’écroule.

Et avec sa chute, la tienne s’arrête nette.

Il n’y a plus aucun bruit. Même le feu s’est éteint, personne n’a entretenu les braises. Oui, un très grand silence sous ton front, dans toute ta personne. Jusqu’à ce que les sons reviennent peu à peu, comme un fond sonore strident, sa louve qui hurle avec angoisse en grattant le sol autour de son corps effondré. Elle hurle, et hurle, et ameute une poignée d’hommes près de votre campement. Il y a du mouvement, des voix, des questions.

Des questions, des questions, ça n’arrête pas.

Roman ?

Roman ?

… Qu’est-ce qui s’est passé ?

Ton dernier rempart contre l'humanité aurait pu te tuer.

 

A-Delta Lord
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