Ronce - Sage, tu seras.

- ... Mikaël.

Il avait tourné la tête à l'interpellation pour toiser le vampire de son œil unique, intrigué. Très peu de mots avaient franchi les lèvres du blond depuis sa sortie de la cave. Très peu d'interactions avec les autres qu’il se contentait de scruter avec un air neutre.

- Tu le verras plus tard mais ici, c'est la tente de Roman Desmarais, mon bras-droit et progéniture. Si tu le croises, soit respectueux.

Le blond acquiesça simplement au conseil de son aîné sans poser de question. Il évitait les problèmes s'il le pouvait, la fuite étant l’option la plus couramment employé dans son cas.
Puis après avoir suivi Lysandre à l’écart, où au fur et à mesure que les voix s’éloignaient il se sentait un peu plus à l’aise mais davantage claustrophobe dans cette galerie de plus en plus étroite, il put se détendre un peu.

- Comment te sens-tu, depuis que nous sommes arrivés ?

Tout était encore embrouillé pour l’instant, la Cause, le calicat et le reste. Pour lui qui n’avait jamais eu à faire autre chose que se gérer lui-même et penser à survivre, tout cela était complexe.

Il prit un temps de réflexion avant de reprendre posément. Les mots lui échappait, pour l’instant il ne voyait pas de grande différence avec ses voyages habituels, à l'exception qu’aucun sang n’avait coulé et mener un humain à la mort.
Jusqu’à présent il avait prit son mal en patience, lutté contre la faim qui l'invitait vicieusement à s’abreuver à la première gorge venue.

“...J’ai connu pire.”

Depuis la sortie de sa prison et la libération de ses entraves, il avait petit à petit repris un aspect plus humain.
La bête blessée et affamée avait laissé place à un vampire taciturne, qui faisait de son mieux pour limiter son appétit.

"Je n'ai pas...encore le mal du pays"

La Suède lui manquait un peu, mais il n'en déprimais pas. Et quoi qu'il arrive il était trop tard pour faire demi-tour.
Le blond se renfrognait un peu de son manteau, son seul bien qu'il est ramené de son pays d'origine.

- Tu as soif, n'est-ce pas ?

C’était donc aussi évident. Le blond acquiesça doucement, ça ne lui servirait à rien de cacher cela. Il en avait presque honte de ne pas pouvoir résister plus longtemps. Comme si c’était un cancre dans le domaine de se museler, comme si quelqu’un pouvait le juger.
Sa maîtresse le jugeait sans doute si elle avait atteint le paradis, son nouveau-né avait sans doute été sa plus grande erreur mais également sa dernière, elle pouvait au moins se réjouir de cela. Depuis que son voyage vers l’Europe avait été entrepris, il n’avait pas eu de grande pensée envers la rousse qui l’avait transformée. Elle ne le hantait que dans ses rêves, et disparaissait en cendre au réveil.
Mais maintenant qu’il était posé et qu’il avait le temps de réfléchir, elle revenait.

- Viens.

Il lui emboite docilement le pas sans poser de question. Mika n’a jamais su où il allait, c’était au moins une chose qui n’allait pas changé au Bourbier. Par contre une autre question le taraudait.

“...Que deviennent les vampires à leur mort ?...”

Ce n'était pas exactement la question qu’il voulait poser, il mit la faute sur son manque de pratique en français.

“..Enfin, où vont-il ?”

Depuis qu’il avait quitté son foyer, il n’avait que rarement prié pour autre chose que lui et sa survie. Tardivement, quand le froid devenait insupportable, dans les épreuves les plus dures. Mais jusqu’à présent, sa foi ne l’avait jamais aidé autrement qu’en apportant un maigre réconfort moral.
Sa question était peut-être idiote, mais il souhaitait tout de même entendre la réponse du corbeau.

Et toi, qu'en penses-tu ?”

Il avait écouté attentivement la réponse du corbeau. Chaque idée avait un certain attrait ; le repos, le retour à la nature ou encore le salut et la damnation.

Ça l'avait légèrement pris au dépourvu que sa question lui soit retourné. Ses pas ralentissaient un instant alors que son esprit prenait le temps de chercher dans les options précédemment présentées par le brun.

Enfant il aurait répondu immédiatement, son avis forgé par ses parents qui lui avaient toujours répété que les bons allaient au paradis et les mauvais en enfer.

Mais avec le temps, on voit des choses et on finit par avoir des avis moins polarisé ; le mal n’existe pas pour simplement exister, il a toujours une raison. Et cette raison est un point de vue. Tout comme le bien sans arrière pensée qui ne semble pas exister.

Il fronce légèrement, un peu contrarié de ne pas avoir de réponse immédiate à répondre. Réaliser que ses certitudes ont volé en éclat depuis longtemps sans qu’il ne s’en rende compte n’est pas une sensation agréable.

En pensant à la mort, une image frappante remonte ; comment les cendres ont été balayées par le vent, et l’instant d’après qui semble irréaliste lorsque l’on comprend que c’est toute une vie balayée par un courant d’air hivernal.

“...Je pense…”

Un instant il hésite, regarde vaguement autour de lui avant d’en revenir à son aîné qui patiente pour entendre sa réponse.

“...Qu’on erre…”

Ses réponses sont toujours simplistes, mais y a t’il vraiment besoin d’en dire davantage. Pour le blond, sa pensée est résumé ; Puisque de son vivant on ne sait pas où aller, puisqu’on cherche un sens à son existence, et bien on continue une fois passer de l’autre côté.

“...On erre de notre mort comme de notre vivant.”

Ça ne le chagrinait pas, son ton était neutre. Il acquiesce doucement pour lui-même, pensif avant de quérir l'avis du brun.

“...Pas une mauvaise réponse ?”

Rien n’était certain. Mais il continuait de le suivre malgré ces incertitudes. Comment une poignée pouvait avoir le pouvoir de faire se bouger une masse. Les gens étaient persuadés que cette vie était normale, vivre ainsi était une norme que beaucoup ne remettrait jamais en question.

Quant à éviter de mourir, au fil du temps, il avait acquis la certitude que la mort ne l’attendait pas de sitôt. Au fond de sa cave qui servait de geôle, à se nourrir de rats et des maigres bestioles qu’on lui jetait entre les crocs, il avait souhaité la mort qui n’était jamais venue, malgré son état déplorable.
Même brûlé par le soleil, affamé, il ne pouvait se résoudre à abandonner la partie.

“Nous ne sommes pas là pour prendre la vie, mais pour la préserver. Mais ça nécessite parfois des sacrifices.”

Il baisse la tête pour toiser la lame et ses doigts viennent à sa rencontre. Gelé, il la tourne entre ses mains puis repose son iris sur son aîné.

“Sers-t-en à bon escient. Protège toi. Protège les nôtres. Et vis, pour ne pas errer.”

“...J’ai besoin de voir plus de choses alors.”

Explorer un monde nouveau, découvrir de nouvelles voies pour ne plus jamais être un pantin entre les mains de personne. Comprendre comment cette société est. Et ce qu’elle pourrait devenir avec un coup de pouce dans un sens ou dans l’autre.
Le blond est né au fond d’une forêt, isolé du monde et sans connaissance, mais cette situation n’a fait que renforcer sa soif de savoir.
Des années à écouter et obéir docilement, désormais il avait ce besoin de tester ses limites et de vérifier les dires qu’on lui avait répété, pour s’assurer de la réalité des faits.

Une course entre sa soif de connaissance et sa soif de sang.

Il glissait la lame à sa ceinture sous sa cape. Acquiesce doucement à ses dires.

“On grandit comme ça...En faisant de nouvelles expériences ?”

Il avait senti l’air frais provenant de la sortie. Sans avoir besoin de le voir, il visualisais
le ciel nocturne parsemé d’étoiles et en ultime ornement céleste ; la lune baignant les environs d’une lumière spectrale, la neige lui rayonnant son éclat là où elle n'avait pas été piétiné par les passages.

Le blond respirait profondément cet air froid provenant de la forêt. Après tant de temps passer à errer dans des bois enneigés, leur proximité était aussi rassurante que grisante. Ce vent mordant lui rappelait ses errances au cœur de l’hiver dans une nuit qui ne semble jamais finir, une pointe nostalgique s'enfonçait dans son cœur.

Un fin soupir franchit ses lèvres, il doit passer à autre chose puisqu’il est trop tard pour faire demi-tour.

Il acquiesce aux dires de l'aîné. Bien qu’il ne sache pas si c’est une bonne chose de le laisser découvrir le village aussi vite, sa gorge est sèche, sa soif va transformer son excursion en une véritable épreuve de volonté.

Le blond lui rend son regard lorsqu’il sent les iris bichrome pesé sur lui. Le visage du suédois est indéchiffrable.

“Tu penses pouvoir t'adapter ?”

“...Je ferais de mon mieux.”

Il ne promet rien. Le nordique se connait assez pour savoir que c’est lorsqu’il croit que tout va pour le mieux qu’il cède le plus rapidement. Baisser sa garde juste un instant n’est plus possible, maintenant il y aura des conséquences.
S’adapter, il le fait depuis toujours, c’est ce qui fait qu’il est en vie, si on peut dire de lui qu’il est encore un être vivant. Ces battements sont si lents et faibles depuis qu’il est devenu un immortel.

“...La trahison n’est pas dans ma nature.”

C'est ce qu'il pensait, c'est ce qu'il voulait croire en tout cas. Il n'avait pas trahi sa créatrice, sa mort n'avait été qu'un accident...Dont Mika était coupable. Il chassait ses souvenirs de sa pensées, ce n'était pas le moment de se sentir coupable et de ruminer des évènements qui ne pourrait jamais être effacé.

"Tu pense que tout va bien se passer ?"