Plus de route pour avancer

Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment en suis-je arrivé là… J’ai beau me repasser ces dernières années en tête, je ne vois rien qui détonnait dans ta façon d’agir, dans ta façon d’être. Mais peut-être que même à présent, je suis incapable de voir la réalité en face… Peut-être que je ne veux tellement pas y croire, que je me retrouve incapable de voir les signes que tout le monde semblait voir… T’ai-je idéalisé ? Vu ce qui nous est arrivé et là où je me trouve, c’est fort probable.
J’ai envie de dire que je ne souffre plus, mais vu mon état actuel et définitif, je ne ressens rien si ce n’est le poids du passé et des regrets avec lesquels je suis condamné à passer l’éternité, coincé ici, dans ce lieu infini à la fois fait de lumière et de ténèbres. Oh je ne suis pas seul, je peux en entendre d’autres comme moi, accablés par le regrets, qui ne pourront jamais trouver la paix et qui finiront par cesser d’exister quand tout le monde les aura oublié.

Ici, le temps n’existe pas. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, ni combien de temps je vais encore y rester. Ce qui nous est arrivé me semble s’être passé aujourd’hui et pourtant quand je parviens à t’entrevoir, je vois à quel point le poids des années et de la fatigue t’a marqué et là, je regrette un peu plus mon acte. J’aurais du ma battre pour moi, pour nous, mais j’ai baissé les bras avant de disparaître en pensant ne laisser aucun regret derrière moi, en pensant que tu m’oublierais et que tu étais déjà passé à autre chose quand je vous voyant ensemble, souriants…
Il n’y a aucun mot pour excuser mes gestes, j’étais faible et j’ai cédé à la solution de facilité plutôt que d’affronter le chagrin et la douleur de ta perte. Pourtant j’avais essayé au début, je m’étais dit que tout était de me faute, que je n’avais pas été assez bien pour toi, que c’était à cause de moi que tu étais parti. J’ai fait payé à ce corps tout ce que je lui reprochais, tout ce qui me semblait être de sa faute. Je l’ai affamé pour perdre cette masse de graisse hideuse, moi qui ne pesais déjà pas grand-chose d’après toi… J’ai coupé et teint ces cheveux trop longs et d’une banalité affligeante, toi qui disais aimer passer te doigts dedans… J’ai charcuter cette peau trop pâle que je ne supportais plus, toi qui aimais la caresser quand elle était rendue chaude par les rayons du soleil…
Ma folie m’emmena si loin qu’au final, mon reflet dans le miroir me semblait étranger, je ne reconnaissais plus la personne que j’étais devenu.
Et quand les derniers fragments de mon âme se fissurèrent, je mis fin à mon calvaire en faisant cesser de battre cet organe inutile que l’on nomme cœur.

Depuis que je coincé ici, je n’ai plus de corps, plus de cœur, plus d’yeux… Je ne suis plus qu’un fragment d’âme qui attend d’enfin disparaître. J’aimerais dire que je ne souffre plus, mais même si mon cœur n’existe plus, ce qui reste de moi souffrira à jamais de ce que tu m’as fait et de la folie qui m’a consumé.
Je suis fatigué d’attendre, fatigué d’apercevoir ton image aussi triste, usée. Maintenant avec le recul, je voudrais que tu m’oublies, que tu vives une vie pleine de bonheur et de joie.. C’est toi qui m’as abandonné alors pourquoi me regretter ?! C’est toi qui es parti, alors pourquoi tu me pleures encore aujourd’hui… Oublie-moi… Libère-moi… Je t’en supplie… Je ne peux plus le supporter…

Je suis toujours coincé ici, à la frontière de la lumière et des ténèbres. Je n’ai jamais eu droit à cette liberté tant désirée et pourtant, ton image a disparue… Mais il me reste encore et toujours un regret, celui qui m’emprisonne ici, celui qui m’empêchera à tout jamais de quitter cet endroit pour espérer trouver la paix… J’aurais voulu te faire part de mes sentiments une dernière fois, te dire absolument tout ce que je ressentais pour toi… Mais maintenant c’est trop tard…

Tu étais ma vie, mon âme et sans toi, il n’y a plus de route sur laquelle avancer.